Chabbat Chemot Chalom
Chemot
Chemot
parachat Chemot
La Synagogue de Bordeaux
Le terme synagogue, dérivé du grec sunagōgē, signifie littéralement lieu de réunion. En hébreu, il se traduit par Beit ha-Knesset, qui signifie la maison d’assemblée. C’est un espace où les fidèles se rassemblent pour l’étude et la prière. En France, dès la Constitution de 1793, le libre exercice des cultes est reconnu. C’est à partir de cette époque que des synagogues monumentales commencent à être érigées en Europe, à mesure que le judaïsme gagne en reconnaissance et que les Juifs accèdent à l’émancipation. Parmi les 13 synagogues consistoriales construites, on compte celle de Bordeaux. Découvrez ces lieux de culte qui témoignent de l’histoire et de la diversité de la communauté juive en Europe.
Vendredi soir
Lors de l’analyse de l’œuvre d’Isidor Kaufmann, commencez par examiner attentivement le personnage principal et les détails visuels pour déchiffrer la scène. Posez-vous la question : cette œuvre est-elle achevée ? Interrogez-vous sur les actions de la femme représentée : attend-elle le retour de son mari de la synagogue ? Explorez les sources historiques et culturelles qui ont pu inspirer l’artiste, ce qui vous aidera à comprendre son interprétation des thèmes de la vie juive. Notez également la technique employée, en particulier l’utilisation des couleurs et de la lumière, qui joue un rôle crucial dans la manière dont les émotions sont exprimées dans l’œuvre. Enfin, prenez le temps de réfléchir à votre propre réaction face à l’œuvre pour saisir les messages que Isidor Kaufmann a souhaité transmettre. Cette démarche vous permettra non seulement d’apprécier la profondeur de son travail mais aussi de reconnaître l’unicité de son expression artistique.
Chabbat après-midi
Lorsque vous examinez la toile de Moritz Daniel Oppenheim dépeignant un moment du Chabbat, concentrez-vous sur les divers groupes de personnages. Observez leurs tenues vestimentaires, qui sont des indicateurs de leur classe sociale et de leur statut. Oppenheim, ayant choisi de ne pas se convertir pour gagner la reconnaissance dans les cercles d’artistes renommés, traite fréquemment dans ses œuvres de l’intégration de la communauté juive dans la société allemande du 19e siècle. Explorez les influences historiques et culturelles qui ont pu façonner ses peintures et accordez une attention particulière à sa technique de peinture, qui enrichit l’expression et la profondeur de ses tableaux. Réfléchissez également à vos propres réactions face à ses œuvres et considérez les émotions et les pensées que ces images évoquent chez vous, ce qui vous permettra de mieux comprendre et apprécier son art.
Le retour du soldat
Daniel Moritz Oppenheim, originaire de Hanau en Allemagne, est né en 1800. Il étudie la peinture à Francfort, Rome et Paris. Parmi ses œuvres, certaines représentent l’intégration du Juif dans la société allemande. Dans le Retour du soldat volontaire, peint entre 1833 et 1834, deux univers sont décrits. Le fils militaire arrive dans sa famille à la fin du repas de Chabbat. Daniel Moritz Oppenheim décrit la loyauté à la communauté juive et la loyauté à la Nation allemande, une notion de double fidélité, que les Juifs vont devoir inventer.
La synagogue de Bordeaux
Sommaire La synagogue Synagogues monumentales La France à l’époque de l’émancipation Les Juifs de Bordeaux La première synagogue rue Causserouge Incendie de la synagogue Reconstruction de la synagogue de Bordeaux Le consistoire et la synagogue de Bordeaux Lexique Pour en savoir plus La synagogue LA SYNAGOGUE Le mot synagogue, du grec sunagoge, signifie : lieu de réunion. En hébreu, la synagogue se dit Beit ha-Knesset et signifie la maison de l’assemblée. C’est le lieu où les fidèles se réunissent pour l’étude et la prière. Déjà à l’époque du Temple, il y avait des synagogues en Erets Israël. Suite à la destruction du Temple, la population dispersée va, en terre d’accueil, construire une, voire plusieurs synagogues, dans chaque communauté. Jérusalem reste le centre spirituel. Les fidèles prient en direction de Jérusalem. En France, la Constitution de 1793 reconnaît le libre exercice des cultes. Des synagogues monumentales sont construites en Europe à partir du moment où le judaïsme devient une religion reconnue et où les Juifs s’émancipent. La synagogue Pour ces synagogues, les architectes sont en quête d’un style. On assiste à l’élaboration d’un langage architectural empreint d’orientalisme. Parfois, comme c’est le cas en Italie à Casale Monferrato, l’architecture est marquée par le style local en l’occurrence le baroque. Après la destruction du 1er Temple de Jérusalem par Nabuchodonosor II, en 586 AEC, les exilés fondent des maisons de prière. Il est écrit dans le livre d’Ezéchiel 11 ; 16 : … Ainsi parle le Seigneur Dieu : Oui, je les ai éloignés parmi les nations et je les ai dispersés dans les pays et je leur ai été un sanctuaire quelque temps dans les pays où ils sont venus. Le mot sanctuaire désigne la synagogue. Le Talmud de Jérusalem, dans le traité Méguila 3. 1, 73d, parle de 480 synagogues détruites à Jérusalem à l’époque de la destruction du second Temple, par Titus, en l’an 70. Les historiens admettent qu’à partir du 1er siècle la synagogue est une institution bien établie. C’est en Galilée, où une partie de la population de Judée se réfugie après la destruction du second Temple, qu’est retrouvé le plus grand nombre de synagogues. Parmi les plus connues, celles de : Gamla, Bar Am, Huqoq, Migdal… Après la destruction du Temple, le rôle de la synagogue dans la vie juive devient central. Sa fonction est double : la prière et l’étude. En construisant une synagogue, les communautés en exil répondent à l’injonction divine citée dans le livre de l’Exode : … Et ils me construiront un sanctuaire, pour que je réside au milieu d’eux. Exode 25 ; 8 A la synagogue on retrouve certains rites du Temple alors que d’autres ont été interdits, pour retenir la distinction entre les deux institutions. Le culte de l’ancien Israël reposait sur les sacrifices et un rituel fait pour le Temple. Lorsque la synagogue naît, la prière remplace le sacrifice. Le plan le plus courant des premières synagogues est le plan basilical qui se caractérise par une grande nef bordée de chaque côté par une allée. La synagogue Des bancs courent sur les murs intérieurs. Ces premières synagogues sont orientées vers Jérusalem. La seule condition nécessaire pour réciter les prières des offices est le minyan, c’est-à-dire un quorum de 10 hommes. Rappel : Le premier Temple est construit par le roi Salomon en 990 AEC. Il est détruit en 586 AEC par Nabuchodonosor II. La population de Jérusalem est emmenée en captivité en Babylonie. 70 ans plus tard, le second Temple est reconstruit en 516 AEC sous l’impulsion d’Ezra. Il est agrandi par Hérode en 19 AEC. Il est détruit par l’empereur romain Titus en l’an 70. Synagogues monumentales SYNAGOGUES MONUMENTALES En Europe, au 19e siècle, la synagogue subit des transformations. Elle cesse d’être une petite pièce aménagée en salle de prière et d’étude, chez des particuliers et devient un édifice indépendant. L’idée est que si le judaïsme est une religion reconnue, il doit avoir un lieu de prière digne de ce nom, capable, tout comme l’Eglise ou le Temple protestant, d’accueillir un grand nombre de fidèles. La Constitution de 1793 reconnaît et garantit le libre exercice des cultes. Jusqu’à présent, les israélites subvenaient seuls aux besoins de leurs communautés grâce à une organisation interne de bienfaisance. Napoléon Ier va organiser le culte israélite. Ainsi, à partir du 11 décembre 1808, l’organisation des synagogues consistoriales est réglée par un décret. Il est décidé de la construction de 13 synagogues en France, établies à Paris, Strasbourg, Wintzenheim, Mayence, Metz, Nancy, Trèves, Coblence, Crefeld, Bordeaux, Marseille, Turin et Casale Monferrato. Chacune est attachée à un consistoire. A la chute de l’Empire, les synagogues consistoriales rhénanes de Mayence, Trèves, Coblence et Creveld, ainsi que les synagogues italiennes de Casale Monferrato et de Turin, qui se trouvent sur des territoires conquis par les Allemands et les italiens sortent du patrimoine consistorial. Désormais, les synagogues faisant partie du Consistoire sont celles de Paris, Strasbourg, Wintzenheim, Metz, Nancy, Bordeaux et Marseille. Synagogue de Wintzenheim Synagogue de Metz Synagogue de Notre-Dame de Nazareth, Paris Synagogue de Nancy Synagogue de Marseille Synagogue de Mayence Synagogue de Bordeaux Synagogue de Casale Monferrato Synagogue de Coblence Synagogue de Creveld (ou Crefeld) Synagogue de Trèves Synagogue de Turin Synagogues monumentales / La France à l’époque de l’émancipation A Bordeaux, l’instauration d’une grande synagogue va avoir pour conséquence la disparition de petites synagogues ayant chacune un rite bien particulier. Parmi elles, les synagogues des Avignonnais, des Gradis, des Peixotto, des Francia, des Allemands, de Vaez. Leur mobilier est rassemblé pour être réutilisé dans la nouvelle synagogue. La plupart des grands rabbins pensent que la majesté des synagogues ajoute à la dignité du culte. Des mutations importantes ont lieu. On n’oriente plus obligatoirement la synagogue vers Jérusalem comme le prescrit le Talmud. On introduit des orgues. Des enfants de chœur accompagnent les chants de la synagogue. Le Chamach arbore tricorne et chaîne, comme le bedeau de l’époque. On supprime la vente aux enchères des Mitsvot qui fait trop de bruit. Les autorités rabbiniques demandent aux fidèles que la prière soit célébrée dans l’ordre et l’harmonie. Il existe une opposition traditionnelle en France entre les Juifs du Midi et les Juifs de l’Est. Les premiers jouissent d’une bonne situation financière et bénéficient de ce fait de conditions favorables en terre d’accueil. Ceux installés à l’Est de la France vivent dans la pauvreté, et sont souvent sujets à de la maltraitance. Cette situation d’insécurité les pousse à la méfiance face aux nouveautés proposées par le régime. LA F RAn C E à L ‘éP O q U E D E L ‘émAn C I P A TI O n La Révolution française ouvre les portes du ghetto. Les Juifs peuvent habiter où ils le désirent. C’est la période de l’émancipation. Désormais, on ne parle pas de Juif mais de Français israélite. En 1789, l’Abbé Grégoire demande à ses collègues de se pencher sur le sort des communautés juives de France. La France à l’époque de l’émancipation Leur cause est défendue par Stanislas de Clermont-Tonnerre (militaire et homme politique), par Honoré Gabriel Riqueti comte de Mirabeau (auteur et homme politique), par Adrien Duport (député à l’Assemblée nationale) et par Antoine Barnave (homme politique). A la suite de ces séances, il est voté une reconnaissance des droits de citoyenneté des israélites du Midi. Napoléon Ier réorganise le culte, non par bienveillance pour la religion, mais parce qu’il sait que le désordre religieux peut être un facteur d’agitation sociale. Il convoque en 1806, à Paris, une assemblée de 111 notables représentatifs de la communauté juive, désignés par les préfets. La question posée est la suivante : …Comment faire des Juifs des citoyens utiles à la France… et de concilier leurs croyances avec les devoirs des Français…. Cette assemblée regroupe les deux tendances du judaïsme en France : les partisans de la réforme, représentés par les Juifs du Sud conduits par le bordelais Abraham Furtado, les traditionalistes, représentés par les Juifs de l’Est conduits par le rabbin de Strasbourg David Sintzheim. L’assemblée a pour but de démontrer la volonté d’intégration des Juifs. Au terme de longs débats qui voient s’affronter une tendance moderniste qui accepte le mariage civil, l’obligation de défendre la patrie, le rejet de l’usure et l’exercice des professions utiles, et une tendance rabbinique qui s’oppose, pour des raisons religieuses, à tout mariage entre Juifs et chrétiens, la tendance moderniste l’emporte. Ce que souhaitait Napoléon Ier. L’assemblée accepte, également, les divisions territoriales en consistoires, administrés par des rabbins et des laïcs, et un Consistoire Central établi à Paris. Dès lors, le judaïsme est reconnu comme une religion à part entière, au même titre que les religions catholique et protestante. La France à l’époque de l’émancipation Napoléon Ier demande à cette réunion de notables de réunir un tribunal, un Sanhédrin, à l’image de celui qui siégeait dans l’antiquité à Jérusalem, composé en partie de rabbins décisionnaires. Cela afin d’avoir la garantie que les mesures prises par les notables seraient respectées par la communauté dont l’autorité religieuse était représentée par les rabbins. Le Sanhédrin, composé de 71 membres dont 45 rabbins, tient sa première séance le 8 février 1807 et répond point par point aux questions posées par l’Assemblée, sur : la polygamie, la répudiation, le mariage, la fraternité, les rapports moraux, les rapports civils et politiques, les professions utiles, le prêt entre Israélites et non-Israélites. le prêt entre Israélites, Napoléon Ier demande un règlement du culte. Elaboré le 10 décembre 1806, le règlement paraît le 17 mars 1808. Le conseil d’Etat décrit les statuts du Consistoire Central et promulgue plusieurs décrets : le règlement intérieur des consistoires, les mesures répressives : pour s’installer en France, un Juif doit acquérir une propriété rurale ; pas de possibilités de remplacement militaire, l’institution d’une patente annuelle pour les commerçants, l’organisation d’un Consistoire Central à Paris dont le président est le grand rabbin de Strasbourg David Sintzheim, la création de consistoires, dans dix circonscriptions territoriales, dont les dirigeants sont nommés par des préfets, un état civil national. Dès lors, le judaïsme est considéré comme une religion reconnue. Cependant, encore en 1808, les communautés ont la charge de leurs rabbins, ne perçoivent aucune subvention gouvernementale, doivent contribuer aux frais des consistoires régionnaux et du Consistoire Central. Les fidèles doivent veiller à équilibrer le budget des communautés sans aide extérieure. C’est sous le règne de Louis-Philippe que le culte israélite est effectivement mis sur un pied d’égalité totale avec les autres cultes. La France à l’époque de l’émancipation / Les Juifs de Bordeaux L’ensemble des mesures statuées en 1808 entre enfin en vigueur et, à partir de 1831, les rabbins sont rémunérés par l’État. Les citoyens juifs ne subissent plus de restriction quant à leur droit civique et politique par rapport aux autres citoyens. Les articles 5 et 6 de la charte constitutionnelle du 14 août 1830 affirment que la religion catholique est celle de la majorité des Français tout en posant l’égalité des cultes. Les Juifs Français acceptent cette situation avec enthousiasme. Le Grand rabbin de France, Zadoc Kahn (1839-1905) adopte la devise Patrie et Religion. Il réclame des synagogues Belles et imposantes. A la fin du 19e siècle, on compte 250 synagogues pour seulement 90 000 juifs. Les Juifs, fiers d’appartenir au peuple français, souhaitent reconstruire un Temple qui sera la marque de leur installation définitive. Les Rothschild, les Pereire, les Camondo, le baron de Hirsch, ainsi que des banquiers et hommes d’affaires de tout premier plan, participent au financement de nouvelles synagogues. Les communautés qui veulent recevoir des subventions pour la construction de nouvelles synagogues doivent faire appel à des architectes municipaux. LEs JU IFs D E B O RD EA Ux Avant la révolution, la communauté juive de Bordeaux est tolérée en vertu de lettres patentes datant d’Henri II, au 16e siècle, renouvelées sous Henri III et confirmées par Louis XV, au 18e siècle. La communauté est tolérée sous réserve d’acquitter une forte somme, toujours réévaluée, auprès du trésor royal. Cette communauté juive bordelaise est formée de Portugais, d’Avignonnais et de Tudesques qui ont des droits. Ils peuvent être propriétaires, transmettre leurs biens, bénéficier de cimetières. Ils fréquentent des petites synagogues privées installées dans des maisons de fidèles. Les problèmes communautaires sont gérés par un conseil appelé la Tsédaka qui a la charge du respect de la loi. Les juifs de Bordeaux ont de par leur situation financière des droits importants. Les Juifs de Bordeaux Avant la révolution, est installée à Bordeaux une minorité de négociants, d’armateurs et de banquiers qui connaissent des réussites spectaculaires ; parmi eux les familles Gradis, Raba, Francia, Peixotto… Seule la bourgeoisie leur est accessible. Interdits à l’administration de la ville, ils ne peuvent pas acheter d’offices, ils ne sont pas admis dans les corporations et ne peuvent pas s’engager dans l’armée. L’Académie leur est fermée, l’accès au Grand Théâtre leur est interdit. Le reste de la communauté comprend des employés, des artisans, des colporteurs, des boutiquiers, des gens de service. Ils vivent jusqu’à la révolution en marge de la société française. Leur émancipation est l’œuvre de l’assemblée constituante. Ainsi, le 28 janvier 1790, l’Assemblée décide que : … tous les Juifs connus sous le nom de Juifs portugais, espagnols, avignonnais, continueront de jouir des droits dont ils ont joui jusqu’à présent et en conséquence des droits de citoyens actifs. Avec l’organisation du consistoire fixée par les décrets du 13 mars 1809, Bordeaux devient le chef-lieu de la synagogue consistoriale N° 6 qui regroupe la région allant de la Vendée au Puy-de-Dôme et aux Pyrénées- Orientales. A Bordeaux, les Juifs jouent un rôle moins important dans le monde du négoce que par le passé même si les Gradis et les Raba restent au premier plan. Par contre, ils s’imposent dans les activités financières, ce qui les amène, d’ailleurs, à quitter Bordeaux. Parmi les familles qui ont contribué au développement et à l’enrichissement de la ville de Bordeaux : La famille des frères Emile et Isaac Pereire, auxquels Bordeaux doit la construction, dès 1857, de la ligne de chemin de fer Bordeaux-Sète, l’édification de la gare du Midi et l’aménagement de la région d’Arcachon. Daniel-Osiris Iffla, entrepreneur et philanthrope, lègue 2 millions de francs aux Bordelais. Il lègue, à l’Etat, sa propriété de la Tour Blanche en Sauternais. L’affaire Dreyfus attise les passions. Bordeaux connaît en janvier, puis en octobre 1898, des défilés antisémites, des manifestations et des violences contre les commerces juifs et la synagogue. 17 La première synagogue rue Causserouge LA PREmIèRE sYnA GO G U E R U E CA Uss ER O UG E En mai 1809, le consistoire de Bordeaux prend la décision de faire construire une synagogue rue Causserouge. Au mois d’août, une campagne est levée pour recueillir des fonds. Le 14 février 1810, le préfet de la Gironde, Alexandre Gaspard Gary, donne l’autorisation d’acheter un emplacement rues Causserouge et Bragard pour la construction de la synagogue. La somme de 80.000 F. est rassemblée. Un bâtiment, encastré entre deux immeubles d’habitation, est acheté aux époux Meslon. La première synagogue rue Causserouge L’emplacement est étroit pour la façade et pour l’intérieur. Cependant l’architecte Arnaud Corcelles et son assistant Valence vont savoir tirer parti du terrain et construire un très bel édifice de plan basilical. Le 7 juin 1810, est posée la première pierre de la synagogue. Les travaux dureront deux ans. La synagogue de Bordeaux est la première synagogue consistoriale construite en France. Avant de se lancer dans la construction de la synagogue, Arnaud Corcelles étudie les us et coutumes de la communauté juive. Ainsi sur la façade apparaissent les tables de la Loi, ainsi que douze palmes, un rappel des douze tribus d’Israël. Deux colonnes encadrent l’entrée de la synagogue, un rappel des deux colonnes du Temple, Yakin et Boaz. A l’intérieur de la synagogue, vingt-deux colonnes séparent la nef centrale des bas-côtés. A l’étage, au-dessus des bas-côtés, est située la partie réservée aux femmes. Le centre de la synagogue est occupé par une longue estrade ; une Ménorah monumentale se dresse en direction de l’Aron ha- Kodech caché par un long voile. Le décor du chœur et du mobilier sont inspirés de la flore d’Erets Israël ainsi que des motifs de l’habit du Grand- Prêtre. Incendie de la synagogue / Reconstruction de la synagogue In C En D IE D E LA sYnA GO G U E Le 27 juin 1873, un incendie dû à une fuite de gaz détruit la synagogue de la rue Causserouge. 52 rouleaux de Torah sont miraculeusement saufs. Des envoyés du cardinal-archevêque et de l’église réformée de la ville de Bordeaux viennent sur les lieux du sinistre annoncer leur soutien à la reconstruction du Temple israélite. La décision d’en construire un autre est très rapidement prise. En attendant, une synagogue provisoire est installée dans une école de garçons située rue Honoré-Tessier. Le terrain de la rue Causserouge est trop étroit. Il est vendu pour financer la construction de la nouvelle synagogue. La municipalité propose les fossés de l’Hôtel de Ville qui est l’actuel cours Victor Hugo. Mais le maire change et avec lui les décisions communales. On décide désormais de construire une université cours Victor Hugo. Après négociations, la ville cède la parcelle de l’hôtel Béchade située 213 rue Sainte-Catherine et rue Labirat. RECO nsTR UCTI O n D E LA sYnA GO G U E L’architecte Charles Burguet est choisi pour conduire les travaux. Les frais de construction de la synagogue s’élèvent à 662.350 francs. La communauté bordelaise, les Pereire et les Rothschild participent à la construction. L’État donne une subvention de 20.000 francs. Entre temps, Charles Burguet meurt brutalement le 9 mars 1879 et est remplacé par l’architecte municipal Charles Durand. Celui-ci propose dès novembre son projet définitif. Après quelques modifications, le projet est approuvé. Les travaux commencés en avril 1880 sont achevés en septembre 1882. Reconstruction de la synagogue Malgré l’étroitesse de la rue permettant d’y accéder, la synagogue imaginée par Durand est l’une des plus monumentales et des plus grandes de France. Son style est éclectique. Durand s’inspire de l’architecture gothique et de motifs décoratifs orientaux. Le plan de l’édifice est presque carré. Le système de construction fait preuve d’originalité, en mêlant les matériaux modernes de l’époque : la pierre et le fer. La charpente de la synagogue, en métal, est réalisée par l’entreprise Eiffel. Sa façade reprend le schéma retenu, à partir de la deuxième moitié du 19e siècle, pour de nombreuses synagogues construites en France et en Europe. La synagogue de Bordeaux est la seule à utiliser à cette époque le motif de l’étoile de David. Sur le pignon les tables de la Loi, au sommet arrondi, reposent sur l’étoile de David. Reconstruction de la synagogue Trois portails permettent l’accès à l’intérieur de la synagogue. Ils sont surmontés d’arcs brisés. L’arc brisé est formé de deux demi-arcs s’appuyant l’un à l’autre et formant au sommet un angle plus ou moins aigu. Détail d’un arc brisé de la synagogue de Bordeaux Les tympans des portails latéraux sont décorés de palmes. Palmes, détail de la façade de la synagogue de Bordeaux Le tympan du portail central est décoré d’une Ménorah à sept branches. Elle est allumée. Façade de la synagogue de Bordeaux, détail de la Ménorah Reconstruction de la synagogue Les ouvertures longues et étroites au niveau supérieur rappellent l’architecture gothique. Au-dessus des ouvertures, trois oculus, (sing. oculi). Les oculus, du latin – yeux, sont, en architecture, des ouvertures rondes pratiquées dans le mur. A l’intérieur, dans la nef, l’accent est mis sur l’espace réservé au culte. Des escaliers mènent à l’arche sainte qui est située dans une niche en abside. L’estrade, la Téva, réservée aux officiants, domine les bancs des fidèles. Le consistoire et la synagogue de Bordeaux LECONS HISTOIRE ET LA SYNAGOGUE DE BORDEAUX Dans son décret de 1808, Napoléon crée les Consistoires des Israélites de France. Conséquence de la révolution, les cultes sont interrompus à Bordeaux à partir de novembre 1793. Des émissaires de Jérusalem, de ‘Hébron, de Tibériade et de Safed sont envoyés en France pour s’occuper de la communauté bordelaise. Ces émissaires ravitaillent en ouvrages imprimés, prêchent, enseignent ou bien règlent des différends communautaires et récoltent également des fonds pour les communautés d’Erets Israël. Ainsi, à Bordeaux en 1789, le rabbin officiant est Joseph Falcon de Jérusalem. Le décret du 21 février 1795 rétablit finalement le culte et proclame la première séparation de l’Eglise et de l’État, du religieux et du laïc. En 1806, le rabbin officiant est Abraham Andrade, né à Saint-Esprit-les- Bayonne en 1750. Il est élu, en 1806, au Sanhédrin et nommé, en 1809, Grand rabbin du Consistoire de la Gironde. En 1814, les consistoires sont réorganisés et réduits au nombre de 7 : Paris, Strasbourg, Colmar, Metz, Nancy, Marseille, Bordeaux. La synagogue de Bordeaux est inaugurée le 5 septembre 1882, le 21 Eloul 5642 selon le calendrier hébraïque. Le Grand rabbin de France, Lazare Isidor, est présent pour l’inauguration. Le Grand rabbin de Bordeaux est alors Simon Lévy. Aujourd’hui, cours Victor Hugo, où devait être bâtie l’université, se trouve le Musée d’Aquitaine. Rue Causserouge, à la place de la synagogue de Corcelles, il s’élève un garage. Lexique LExI q U E Abbé Grégoire : (1750- 1831) prêtre catholique révolutionnaire, il dénonce la persécution des Juifs au nom de la religion. Abraham Furtado : (1756- 1817) il naît à Londres et passe son enfance à Bayonne. Homme d’affaire et philanthrope, il devient secrétaire du grand Sanhédrin en 1806. Abraham Andrade : rabbin à Bordeaux, il est un membre actif du Grand Sanhédrin en 1807. Il décède en 1836. Adrien Duport : (1759-1798) naît à Paris. Homme politique français qui, deux ans après la révolution française, met tout en œuvre pour que les Juifs jouissent des droits de citoyens actifs. AEC : abréviation de avant l’ère commune. Antoine Barnave : (1761- 1793) naît à Grenoble. Homme politique français, avocat au parlement de Grenoble, il est envoyé en 1789 au Etats généraux. Il participe à la reconnaissance des droits des Juifs du midi. Arnaud Corcelles : (1765- 1843) originaire de Bordeaux, il est aussi connu sous le nom d’Armand Corcelles. Il est l’architecte de la première synagogue de Bordeaux incendiée en 1873. Aron ha-kodech : Arche sainte. Niche dans laquelle sont conservés les rouleaux de la Torah à la synagogue. Baron de Hirsch : (1831-1896) il naît à Munich et s’installe à Paris en 1873. Il appartient à une dynastie de banquiers de cour. Il est à l’origine de la ligne de chemin de fer qui relie Constantinople à l’Europe. Beit ha-Knesset : synagogue. Boaz : nom de la colonne de gauche à l’entrée du Temple. Camondo : famille juive séfarade anoblie par le roi d’Italie en 1860. Chamach : personne qui s’occupe d’organiser la vie de la synagogue. Charles Burguet : (1821-1879) originaire de Bordeaux, premier architecte de la synagogue actuelle à Bordeaux. Charles Durand : (1824-1891) il naît à Bordeaux où il Lexique est très actif. Comte de Mirabeau : (1749- 1791) Honoré Gabriel Riqueti est un homme politique élu député aux Etats généraux, il publie : Sur Moses Mendelssohn et la réforme politique des Juifs. Constitution : ensemble de lois qui règle l’organisation d’un pays. Daniel Osiris Iffla : (1825-1907) il naît à Bordeaux et est connu sous le pseudonyme d’Osiris. Il commence sa carrière à la banque Mires puis ouvre sa propre banque. C’est un brillant homme d’affaire, mécène et philanthrope. David Sintzheim : (1745-1812) il naît à Trèves. Il étudie auprès de son père et est nommé rabbin de Strasbourg en 1792. Sous Napoléon il devient le président du Sanhédrin. Eloul : le mois d’Eloul coïncide avec aout-septembre. Erets Israël : terre, pays ou Etat d’Israël. Exode : Chemot, deuxième livre du Pentateuque. Ezéchiel : prophète du 6e siècle AEC. Sous Nabuchodonosor, en 598 AEC, il est déporté à Babylone. Ezra : issu de la tribu de Lévi, il ramène les exilés de Babylone à Jérusalem. Francia : famille originaire d’Espagne ou du Portugal installée en Avignon. Francia : famille originaire d’Espagne ou du Portugal installée en Avignon. Gradis : famille originaire d’Espagne ou du Portugal installée à Bordeaux. Active dans le commerce du textile, la famille Gradis était une dynastie de négociants et d’armateurs. Hérode : surnommé Hérode le grand il prend le pouvoir sur la Judée aidé par les romains. Il reconstruit le Temple de Jérusalem. Joseph Falcon : rabbin à Bordeaux en 1735. Il est originaire de Jérusalem. Lazare Isidor : (1813-1888) grand rabbin de France à partir de 1867, il traduit la Bible en français. Lettre patente : acte, émis par un souverain, qui exprime la volonté du roi d’attribuer un privilège à une catégorie de sujets. Lexique Ménorah : nom du candélabre à sept branches dont le prototype est confectionné pour le Tabernacle du désert. Mitsvot (sing. Mitsva): commandements. Il est mentionné dans le Talmud que le peuple juif reçut 613 Mitsvot lors de la révélation au mont Sinaï. Nabuchodonosor II : (605 AEC- 562 AEC) roi de Babylone. Il détruit Jérusalem et le Temple et déporte la population de Judée à Babylone. Napoléon Ier : (1769-1804) il naît à Ajaccio. Grand chef militaire, il arrive au pouvoir en 1799 et devient le premier empereur des Français. Pereire : les Pereire sont deux frères, Emile (1800-1875) et Isaac (1806- 1880) d’origine portugaise installés à Bordeaux. Ils participent à l’essor industriel de la France et à la construction de la ligne de chemin de fer de Paris à Saint- Germain en Laye. Peixotto : famille de banquiers d’origine portugaise installée à Bordeaux. Pignon : sur la facade d’un bâtiment la partie supérieure du toit en forme de triangle. Révolution française : le 5 mai 1789, éclate la révolution qui met fin à l’Ancien Régime. Le 26 août, est votée la Déclaration des droits de l’homme. Rothschild : dynastie de banquiers et de philanthropes d’origine Allemande. Ils sont installés en Europe, principalement à Francfort, Londres, Vienne, Paris et Naples. Sa particularité, dès sa fondation est d’être une organisation familiale qui travaille à partir d’un capital commun. Rouleaux de Torah : copie manuscrite, sur parchemin, du Pentateuque. Salomon : roi d’Israël, il est le fil du roi David et de Batchéva. Il construit le Temple de Jérusalem sur le mont Moriah. Sanhédrin : constitué de 71 anciens, le Sanhédrin était la haute cour de justice d’Erets Israël. Simon Levy : (1838-1898) originaire d’Alsace, il est nommé en 1864 rabbin à Bordeaux par le consistoire. Stanislas de Clermont Tonnerre : (1757-1792) homme Lexique / Pour en savoir plus politique, il est élu à l’Assemblée nationale le 17 aout 1789. Il œuvre pour l’accession des Juifs à la citoyenneté. Synagogue : lieu d’étude et de prière. Talmud de Jérusalem : le Talmud palestinien, ou Talmud de Jérusalem, composé vers le 4e siècle dans les académies rabbiniques de Tibériade, précède le Talmud de Babylone, achevé sous la conduite de Rav Achi vers la fin du 5e siècle. Téva : chez les Séfarades, la Téva est l’endroit d’où on lit la Torah à la synagogue. Temple de Jérusalem : construit par le roi Salomon sur le mont Moriah à Jérusalem, il est détruit par Nabuchodonosor II en 586 AEC. Il est reconstruit par les Juifs qui reviennent de captivité de Babylonie en 516 AEC. Le roi Hérode le remanie et l’agrandit en l’an 19 AEC. Titus le détruit en l’an 70. Titus : (39-81) empereur romain qui conquiert Jérusalem en l’an 70 et détruit le second Temple de Jérusalem. Tsedaka : charité. En hébreu, le mot Tsedaka provient de la racine Tsedek qui veut dire justice. Yakin : nom de la colonne de droite à l’entrée du Temple. Zadoc Kahn : (1839-1905) il naît en Alsace, étudie au Séminaire rabbinique et devient grand rabbin de France de 1839 à 1905.